Bali, un 26 février

Il y a des anniversaires auxquels on pense chaque jour. 

Il y a des jours qui marquent une vie jusqu’au bout du voyage.

Je n’ai pas la mémoire des chiffres mais le 26 02 2019, ceux-là, je ne les ai pas oubliés.

C’était il y a 5 ans. Aujourd’hui.

Un mal de tête énorme, déchirant m’a réveillé à 4h30 du matin.

J’ai eu de la chance que mon mari comprenne que quelque chose chez moi n’était pas normal.  

J’ai eu de la chance qu’il se soit réveillé ce jour-là , en plein milieu de la nuit,  pour travailler sur un dossier qui l’empêchait de dormir. 

Quand je lui ai dis « c’est bon ça va, j’ai plus mal. J’y vois rien de l’oeil droit mais on va aller marcher dans Paris et ça va se décoincer. » J’ai eu encore de la chancequ’il réagisse avec une grande douceur pour ne pas m’inquiéter, 

« assieds-toi là deux minutes, j’arrive ». 

Il avait besoin de temps. Pour chercher. 

Appelez le 15. 

Etait-ce encore de la chance que la caserne des pompiers soit à quelques rues de la rue Montorgueil où nous vivions?

Les pompiers m’ont dit, « on passe nos nuits à réanimer des gens qui prennent de la coke et qui sont en coma éthylique. Pendant ce temps là on passe à côté de crises cardiaques ou d’AVC, comme vous. Vous avez de la chance. »

J’ai eu de la chance aussi que l’on soit au milieu de la nuit. L’ambulance a pu traverser Paris à grande vitesse. 

Le professeur Amarenco grand spécialiste des AVC m’attendait avec son équipe de l’hôpital Bichat. J’ai eu une chance folle qu’il soit là, à l’aube.

L’équipe des urgences neurologiques m’attendait pour injecter le fameux « destop». 

Parce que lors d’un AVC, chaque seconde compte. 

Vous perdez des fonctions essentielles de votre cerveau. Il faut réagir vite. 

Plus le temps passe, plus les dégâts deviennent irréversibles.

J’ai perdu 40% de mon champ visuel et chaque jour je me dis que j’ai eu tellement de chance.

Quand je suis rentrée chez moi, sortir seule dans la rue c’était gravir un sommet Himalayen. 

Les trottinettes, les vélos, les skates, les chiens, les enfants qui courent partout, les valises à roulettes, les piétons, les voitures… Tout allait trop vite pour moi.

Un jour, Fabien m’a amenée sur le pop up que  Louise Carmen avait dans un grand magasin de luxe à Paris.

J’étais totalement perdue. Aux larmes.

Quelqu’un avait appuyé sur Reset. Mon cerveau s’était vidé. Je ne savais plus répondre aux questions que l’on me posait sur ma marque. 

J’ai passé deux mois, apathique. Je dormais et je regardais la télé. 

Un jour en zappant, je suis tombée sur « Total rénovation ». Une émission de déco américaine. 

J’ai adoré. 

A partir de ce jour là, j’accompagnait Chip et Joanna Gaines sur leurs chantiers à Waco au Texas. 

Ma fille me disait « arrête de regarder ça, ca te ramollit le cerveau ».  

Mais Joanna, Chip et moi étions alignés.

Quelque chose se mettait en place.

 J’ai fait des recherches pour en savoir plus sur eux. Cela m’a fait réouvrir mon ordinateur.

J’ai découvert la biographie de Joanna.

Elle m’a amusée. Tous les soirs je racontais à Fabien leur histoire.

Je réactivais peu à peu des zones off de mon cerveau.

Un jour j’ai réalisé « Nathalie, tu n’as plus de rêves.  »

Avec Fabien nous avions passé nos dernières décennies ensemble, à rêver.

Nous étions attachés à réaliser nos rêves, les uns après les autres jusqu’à ce jour du 26 février 2019.

Et tout à coup, je n’arrivais plus à activer la fonction rêve de mon cerveau.

« Quel est ton grand rêve maintenant Nathalie? »

Peu à peu je me suis remise en marche.

Je me suis contrainte à sortir chaque jour. J’avais peur.

J’ai mis une stratégie en place. 

Mes petits pas. 

J’avais un objectif: aller plus loin d’un mètre chaque jour.

Quelques années plus tard, j’ai découvert qu’il existait un livre sur la stratégie des petits pas. Je vous le recommande.

Le neurologue m’avait dit « il y a une période délicate de 5 ans après un AVC. »

Les 5 ans c’est aujourd’hui.

Je vais fêter ce 26 février 2024 en dégustant un délicieux jus de fruits comme ils savent les faire à Bali.

Mes petits pas m’ont ramenée à l’autre bout du monde.

Aujourd’hui, je serai tout en haut de la falaise d’Uluwatu à Bali face à l’immensité de océan Indien.

Là où l’on voit loin. Là où les rêves ont de l’espace pour se déployer sans limites.

Aujourd’hui, je me permets de vous donner un conseil, 

Donnez vie à vos rêves parce que parfois, il est trop tard pour les réaliser.

Je vous souhaite une excellente journée.

Nathalie ❤️